Bienvenue !

Les Rencontres AFRODESC / EURESCL

L’autre métissage. Nation, ethnicité, inégalités (Amériques, Caraïbe, France)

seront organisées à Nice du 8 au 10 novembre 2011.

Au programme : Workshops, conférences, films, exposition, posters.

Lieu : Institut des Sciences Humaines et Sociales (bâtiment à l'horloge), Pôle universitaire Saint-Jean d'Angély

3, bd François Mitterrand, Nice (tramway Saint-Jean d'Angély-Université)

Programme

Rencontres AFRODESC-EURESCL

L’autre métissage. Nation, ethnicité, inégalités (Amérique, Caraïbe, France)

Workshops, conférences, vidéos, exposition, posters

Université de Nice-Sophia Antipolis, 8-10 novembre 2011

Institut des Sciences Humaines et Sociales

Coordination : Christian Rinaudo

Mardi 8 novembre 2011

9h00 - 9h15 : Bienvenue et organisation des rencontres

9h15 - 9h45 : Introduction, programmes AFRODESC et EURESCL (Elisabeth Cunin, Myriam Cottias, Odile Hoffmann)

9h45 - 17h00 : Bilan des programmes AFRODESC et EURESCL-WP4 (org. Elisabeth Cunin et Odile Hoffmann)

9h45 - 12h00 : Présentation des axes AFRODESC et du WP4 de EURESCL

Myriam Cottias (Ciresc, CNRS) et María Elisa Velázquez (INAH) : Esclavage et racialisation : généalogie d’un stigmate

Cédric Audebert (Migrinter, CNRS) et Odile Hoffmann (Urmis, IRD) : Nation, citoyenneté, identité : multiculturalisme et recomposition des relations Nord-Sud

Nahayeilli Juárez (CIESAS) et Christian Rinaudo (Urmis, UNS) : Circulations globalisées et relocalisation de signes culturels « afrodescendants »

Marie Abane de Suremain (UPEC-IUFM) : Pédagogie

14h00-16h30: Débat entre les discutants et les participants du programme

Discutantes : Paula López Caballero, Françoise Lestage, Jocelyne Streiff-Fénart

17h30 : Présentation des travaux audiovisuels

Film de Jhon Jairo Narváez, Cartagena Social Club (Production IRD, Afrodesc/Eurescl, IPCC-AECID), 2010, 18mn.

Film documentaire de Melesio Portilla et Carlos Agudelo, Les enfants du déracinement. Mémoire du peuple Garifuna de l’Amérique Centrale (Production Afrodesc/Eurescl), 2010, 54mn.


Mercredi 9 novembre 2011

9h00 - 12h00 : Organisations noires. Du local au global et vice-versa (org. Carlos Agudelo et Silvina Testa)

Brésil : Rebecca Lemos Igreja (CEPPAC, Universidad de Brasilia)

France : Christian Poiret (Urmis, Paris Diderot)

Amérique centrale : Carlos Agudelo (Cemca, Guatemala)

Cuba : Silvina Testa (Ciresc)

Discutant : Elikia M’bokolo (CEAf, EHESS)

14h00 - 17h00 : Approches méthodologiques et théoriques du racisme (org. Elisabeth Cunin et Gabriela Iturralde)

Carlos Correa (Texcultura-Universidad de Cartagena-CIESAS)

Elisabeth Cunin (IRD-CIESAS-UQROO)

Mireille Eberhard (URMIS - Post-doctorante, Eurescl)

Gabriela Iturralde Nieto (Ciesas, Afrodesc)

Oscar Quintero (IRD-Université de Rennes 2)

Eva Fleur Riboli Sasco (Université de Paris V Descartes)

17h30 : Présentation des posters des étudiants, doctorants et post-doctorants (Org. Olivier Pollet)


Jeudi 10 novembre 2011

9h00 - 12h00 : Table ronde. La fabrique du métissage (org. Christian Rinaudo)

Jean-Luc Bonniol (Centre Norbert Elias, Université Paul Cézanne Aix-Marseille 3)

Silvia Capanema-Schmidt (Université Paris 13)

Elisabeth Cunin (Urmis, IRD-CIESAS-UQROO)

Odile Hoffmann (Urmis, IRD)

Anne-Marie Losonzcy (EHESS)

Christian Rinaudo (Urmis, UNS)

Discutant: Arnaud Halloy (Lasmic, UNS)

14h30-16h30 : Conférences

— María Elisa Velázquez (INAH) : Métissage et racisme dans l’histoire de l’esclavage urbain au Mexique (XVII-XVIIIe siècles)

Jean Rahier (Florida International University) : De panacée des relations raciales harmonieuses à outil idéologique : réflexions sur le métissage à travers le temps et trois continents

17h00-18h00 : Clôture

18h30 : Vernissage de l’exposition photographique « Mexique. L’autre métissage »

Manuel González de la Parra (photographe) : Veracruz Caraïbe

Franck Courtel (photographe) : Costa Chica, un regard métissé

Sandra Ryvlin (photographe) : Veracruz métis


Panel : Organisations noires. Du global au local et vice-versa

Panel : Organisations noires. Du global au local et vice-versa

Mercredi 9 novembre 2011, de 9 à 12h
Coordination du panel:
Silvina Testa (silvinatesta@gmail.com)
Pour ce panel, nous proposons de construire un espace de réflexion commune entre expériences contemporaines en France et en Amérique Latine/Caraïbe ayant comme point de départ des faits de transcendance transnational qui ont influencé le développement des organisations noires dans des contextes nationaux.
Il s’agira de considérer les contextes à partir desquels ces organisations ont surgit, se sont développées, transformées ou disparues, en gardant un regard attentif aux faits marquants de l’histoire des luttes des Noirs dans le monde occidental. Il s’agira également de voir comment ces éléments se déclinent en différentes formes des discours et de pratiques et sont repris en tant qu’instrument légitimant des discours, des revendications et des luttes.
Nous ne nous limiterons pas seulement aux organisations explicitement politiques, d’autres formes à caractère culturel ou religieux, pourrons être considérées. Cependant, afin de mener une réflexion comparatiste avec un axe commun, nous souhaitons centrer le débat autour du politique tant dans le sens des objectifs et des pratiques des organisations que dans les résultats des formes d’action, même de la part des organisations que ne se revendiquent pas en tant que mouvements politiques.
C’est ainsi que nous pourrions tenter d’établir un dialogue entre les espaces latino-américain, caribéen et français et mesurer, entre autres, l'impact soit différencié, soit semblable, soit nulle, des faits tels que la décolonisation en Afrique, les luttes antiapartheid, les luttes pour les droits civiques des Noirs aux USA, l’anticolonialisme, le courant de la négritude, la construction des discours sur la diaspora africaine et les afro-descendants, la conférence de Durban en 2001, la déclaration par les Nations Unies de 2011 comme l’année internationale des afro-descendants, entre autres.
Mais il y a aura certainement d'autres éléments à prendre en compte qui pourront émerger a partir des travaux déjà faits ou en cours. Il s’agira, en somme, de mener une réflexion qui tienne compte du poids des « discours noirs » globalisés dans les processus d’organisations nationales et vice-versa, c'est-à-dire l’influence des dynamiques nationales dans la construction des « discours noirs » globaux. Ainsi, la comparaison entre ces différentes formes d’organisations noires se fera dans une perspective plus contemporaine qu’historique. La manière dont s’articulent les spécificités nationales aux éléments globaux dans l’expérience des organisations noires peut nous donner l’opportunité d’un échange riche entre les études réalisées en France et en Amérique latine/Caraïbe, apportant des éléments de réflexion générale aux objectifs des projets AFRODESC et EURESCL.

Composition du panel :
  • Présentation : Carlos Agudelo et Silvina Testa
  • Rebecca Igreja : « Du Movimento Negro aux ONG’s « noires » : le développement des organisations noires dans le Brésil contemporain »
  • Carlos Agudelo : « Les mobilisations politiques des Garifunas en Amérique Centrale. Circulation globale permanente de symboles et de discours »
  • Pause café
  • Silvina Testa : « Les organisations noires cubaines : contexte international, conjoncture locale et revendications raciales »
  • Christian Poiret : « Des organisations africaines et ultramarines aux organisations noires dans la France contemporaine »
  • Commentateur : Elikia M’Bokolo
Résumés de communications :

Rebecca Igreja : « Du Movimento Negro aux ONG’s « noires » : le développement des organisations noires dans le Brésil contemporain »
Dans cette communication, je vous invite à réfléchir sur le changement que le Mouvement Noir brésilien vit depuis quelques années, notamment avec le surgissement des diverses ONG noires, qui désormais occupent le rôle central dans le débat sur les droits des Noirs aux Brésil. Il s’agit de comprendre quel est l’impact de l’action des ces ONG et ce qu'elles apportent de nouveau dans la lutte contre la discrimination et le racisme dans le pays. Par ailleurs, je propose discuter quels sont les acteurs nationaux ou étrangers qui soutiennent ces ONG. Pour finir, je présenterai les nouvelles formes d'organisation et action qui naissent en ce moment et qui prétendent innover dans le champ de la discussion raciale au Brésil.
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Carlos Agudelo : « Les mobilisations politiques des Garifunas en Amérique Centrale. Circulation globale permanente de symboles et de discours »
Les Garifunas sont un peuple noir caractérisé par une dynamique mobilité transnationale depuis ses origines. Sa dispersion au long des côtes caribéennes de 4 pays d’Amérique centrale (Belize, Guatemala, Honduras et Nicaragua) vers la fin du XVIIIème siècle a été suivi d’un déplacement constant vers les Etats-Unis depuis la première moitié du XXème siècle. Ces dynamiques migratoires ont été accompagnées d’une circulation de symboles ethno-raciaux en articulant le recours à la mémoire des origines avec les influences des luttes noires et indigènes à l’échelle internationale – dès les mobilisations pour les droits civils aux Etats-Unis jusqu’au contexte actuel de reconnaissance de la diversité culturelle et du multiculturalisme-. La versatilité de sa présence politique dans l’espace globale s’accompagnent néanmoins de tensions entre leur identification en tant que citoyens de chaque pays et leur appartenance transnationale au peuple garifuna et à la diaspora africaine des Amériques.
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Silvina Testa : « Les organisations noires cubaines : contexte international, conjoncture locale et revendications raciales »
Au milieu des années 1990, le mouvement associatif dénommé "noir" émerge et mets ainsi fin au silence qui prévalait depuis la révolution socialiste de 1959 sur la question noire à Cuba. Influencés indirectement par le mouvement international des afro-descendants et par les groupes états-uniens luttant pour la défense des droits des Noirs, les premiers projets de ce mouvement se sont focalisés autour de la revendication du droit à la diversité, toutes formes de discrimination confondue. Par la suite, ce mouvement s'est composé de plusieurs associations affichant clairement une affiliation raciale. Aujourd’hui, elles s’affirment à travers la dénonciation de la discrimination raciale et la revendication d'une histoire singulière et d'une fierté "noire". Qu’elles reprennent les modalités de fonctionnement des anciennes associations de descendants d’esclaves de la période post-abolitionniste et républicaine, ou de la très contemporaine forme d’opposition politique illégale, ces associations peinent pour survivre dans un contexte où le droit à la différence et à toute forme d’organisation non-gouvernementale reste restreint et contrôlé.
Dans cette communication il s’agira de suivre le processus de création, de transformation voire de disparition des associations noires contemporaines à Cuba, de comprendre les logiques nationales et sectorielles qui les sous-tendent et d'appréhender leurs liens avec leurs homologues étrangères.
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Christian Poiret : « Des organisations africaines et ultramarines aux organisations noires dans la France contemporaine »
Durant les années 1980-1990, la société française a vu se constituer de nombreuses associations identifiées comme "africaines" d’une part et "ultramarines" d’autre part. Dans les deux cas, l’émergence de ce tissu associatif s’est faite dans le cours d’un processus combinant quatre grands ingrédients : une communauté d’expérience assignant des individus à une situation minoritaire et tendant ainsi à produire des groupes concrets territorialisés ; la constitution de ces groupes et des individus qui les composent en problèmes sociaux puis politiques ; des sollicitations visant à la constitution de formes d'organisation communautaires pour traiter ces problèmes à une échelle locale ; enfin, une dynamique d'identification et de mobilisation sur cette base, débouchant parfois sur des formes de mobilisation à une échelle plus large, nationale voire internationale.
A partir du début des années 2000, différentes tentatives ont eu lieu, avec des résultats mitigés malgré la très forte médiatisation de certaines d’entre elles, pour constituer des organisations s’identifiant comme « noires ». Force est de constater qu’on n’assiste pas aujourd’hui à des formes de mobilisation autonome d’ampleur autour de la catégorie « noire ». Cette communication interrogera donc cette différence de trajectoire.

Mexique, l'autre métissage

Exposition photographique et catalogue

Manuel González de la Parra, Sandra Ryvlin, Franck Courtel

Du 8 au 18 novembre 2011
Institut des Sciences Humaines et Sociales de Nice
(Université de Nice-Sophia Antipolis, campus Saint-Jean d'Angely)

Présentation

L’exposition et le catalogue présentent les œuvres de trois photographes, un mexicain et deux français/e, qui rendent compte des interactions et du métissage au Mexique, où l’histoire n’a pas été faite seulement de confrontations violentes entre européens (espagnols) et populations indiennes (nahuas, otomíes, mixtecos, purépechas, entre beaucoup d’autres), mais aussi de multiples rencontres plus ou moins subies, douloureuses, passionnées, recherchées ou craintes entre personnes et collectifs de multiples origines.

Au Mexique la présence africaine fut importante dès les débuts de la colonisation. Dans certaines régions, elle est évidente dans les visages et les corps, la musique et la poésie, la culture quotidienne, constituant ce que certains ont appelé « la troisième racine » de l’identité nationale, aux cotés de l’européenne et l’indienne. Il est pourtant impossible de comptabiliser les « racines » qui nourissent les identités collectives. Immuables, entremêlées, indéchiffrables, les « origines » se perdent et se réinventent constamment dans le tumulte des rencontres. S’il est bien légitime de vouloir les connaître et les reconnaître, les origines ne rendent pas compte de la diversité des interactions et n’étancheront jamais la soif identitaire qui semble caractériser le début de ce millénaire. C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, dans cette exposition et ce catalogue, ce ne sont pas des « noirs » qui sont photographiés, mais des personnes qui à un moment donné peuvent se reconnaître comme tels, et à un autre moment d’une façon différente (métis, afrométis, costeño, jarocho, mexicain), sans qu’une option en exclue a priori une autre. Nul individu ne s’identifie que d’une seule manière. C’est la situation, le contexte d’interlocution, les intérêts en jeu, bref, c’est l’interaction sociale qui donne sens et vie aux identifications. C’est ce que l’on l’on se propose d’appeller « l’autre métissage »: la capacité de se reconnaître sous de multiples « identités » et croisements d’identités, éventuellement de facon simultanée, sans mépriser les options identitaires pour l’instant non mobilisées mais auxquelles on pourra recourrir un jour ou l’autre.

Les trois photographes ici réunis explorent ces identités métisses à partir de différentes perspectives. Franck Courtel, photographe français, a voyagé dans la Costa Chica à la rencontre des femmes, hommes et enfants, qui ont bien voulu échanger avec lui et s’exposer au dialogue avec l’étranger. Le photographe montre dans ce qui pouvait au départ être vu comme exotique un autre « identique » et prochain, ou, ce qui revient au même mais à l’inverse, l’autre en soi-même. De façon plus intime, Manuel González de la Parra, né au Michoacan mais résidant depuis des décennies à Veracuz, connaît et photographie ces lieux depuis des années. Il élabore son travail artistique pas à pas, ajoutant des nouvelles émotions esthétiques à chaque exposition, chaque ouvrage, et nous propose une vision de la culture populaire à la fois particulière et partagée par des millions de personnes d’une rive à d’autres des Caraïbes. Finalement, Sandra Ryvlin, française habitant plusieurs années à Veracruz, a construit son projet photographique autour d’une réflexion sociologique sur la société de la ville et du port, ses inégalités et ses infinies nuances. Chacun voit et montre des identités combinées, avec des mélanges et des particularités, sans jamais tomber dans la facilité de l’exotisme ou la reproduction d’une altérité fondamentale.

Les trois photographes se sont rencontrés à Mexico et à Veracruz, au cours d’activités développées par des projets de recherche internationaux qui analysent les sociétés coloniales et postcoloniales héritées de l’esclavage. Ces projets AFRODESC (français) et EURESCL (européen) s’attachent à comprendre des dynamiques sociales souvent qualifiées de « diaspora afro », « Black Atlantic » ou « circulations transnationales ». A partir de ces rencontres entre sciences sociales et art, a émergé l’idée de cette exposition et du catalogue associé, avec l’ambition de contribuer à une meilleure connaissance de nos richesses, nos différences et similitudes. Il ne s’agit pas pour nous de mettre en avant une « autre racine » du métissage mexicain, mais plutôt une autre vision du métissage, inclusive et quotidienne.

=> Le vernissage de l'exposition et la présentation du catalogue en présente des trois photographes auront lieu à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales de Nice (Université de Nice-Sophia Antipolis, campus Saint-Jean d'Angely) le jeudi 10 novembre 2011 à 18h30


Veracruz Métisse (Sandra Ryvlin)

Ce projet est le fruit de trois années passées dans la ville portuaire, cosmopolite et commerçante de Veracruz. Loin des clichés du Mexique profond et de la mégalopole vue à travers son mouvement et ses marges, il s’attache à saisir la diversité sociale, culturelle, phénotypique, généalogique d’une société locale qui se reconnaît aujourd’hui dans un métissage particulier dont les « racines » européennes, indiennes et africaines sont prises dans des jeux de différenciation sociale que le portrait photographique permet de mettre en lumière.

Le travail réalisé durant cette période est avant tout le résultat d’un projet personnel, celui de faire un contre-don en échange de l’accueil généreux des habitants de Veracruz qui, au fil des rencontres, des amitiés qui se sont nouées, des relations de confiance qui s’instauraient, m’ont ouvert leur porte, permis d’accéder à tous les détails leur vie domestique, dévoilé leur intimité.

L’idée étaient de montrer la diversité sociale existant dans la ville, depuis les zones résidentielles les plus huppées jusqu’aux quartiers les plus déshérités du centre et de la périphérie, et de l’appréhender à partir de mon propre réseau social. L’avantage de cette méthode est d’avoir évité l’écueil de ne choisir des sujets qu’en fonction de leur phénotype, de la beauté de leurs traits, de leur statut ou de leur histoire exceptionnelle, même si je sais avoir fait certains choix plutôt que d’autres, consciemment ou inconsciemment.

Loin de se vouloir esthétisants, les portraits réalisés dans les foyers cherchaient à saisir les personnes telles qu’elles se représentent, à leur donner l’opportunité de travailler à leur propre mise en scène, de constituer le décor de ce qui donne sens à leur vie en choisissant elles-mêmes les lieux et les sujets présents sur la photo, le type de pause, « naturelle » ou construite, les objets, tableaux, affiches politiques, photos de famille, instruments de musique, animaux domestiques qui entrent dans le cadre...

Ainsi se content toute sorte de trajectoires, d’histoires migratoires, de parcours singuliers, de reproductions ou de mobilités sociales, assumées ou contraintes. Ainsi se restitue le regard que les individus portent sur eux-mêmes, fait de sélections et d’oublis. Ainsi se surexposent ou se sous-exposent certains traits physiques, culturels, sociaux en fonction des valeurs chères à celles et ceux qui se sont prêtés au jeu. Ainsi se donnent à voir quelques reflets de la mosaïque sociale de cette Veracruz métisse...

Sandra Ryvlin est née à Saint-Cloud, en France. Elle a vécu à Paris, Buffalo et New York, puis à Nice et à Veracruz, au Mexique, villes où elle a développé différents projets photographiques.

A son retour de New York, elle a entrepris des études de sociologie et d’anthropologie à l’Université de Nice-Sophia Antipolis et obtenu un DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) sur les migrations et les relations interethniques. Elle s’est ensuite consacrée à la documentation en milieu associatif puis à la photographie, réalisant plusieurs travaux dans le cadre de l'Ecole Municipale d'Arts Plastiques de Nice avant de partir pour le Mexique entre 2007 et 2010.

Son travail photographique s’apparente à une ethnographie visuelle de la vie urbaine dans toutes ses dimensions, festives, laborales, familiales... Il porte tout à la fois sur l’espace de la rue, la vie des quartiers, les relations inter-individuelles, les passants et les habitants dans leurs manières de vivre et les codes sociaux à partir desquels ils se donnent à voir aux autres.

Associée à des notes de terrain et à des entretiens, la photographie permet alors de porter un autre éclairage sur la réalité sociale de et dans la ville, sur la diversité de ceux qui la font, depuis ses marges jusqu’à ses lieux de centralité économiques, nocturnes, touristiques, sur les identités individuelles et collectives, ethniques, occupationnelles et sexuelles marquées par d’importants mouvements migratoires et par l’intense circulation culturelle qui caractérisent à la fois la Caraïbe et l’espace méditerranéen.


=> Le vernissage de l'exposition et la présentation du catalogue en présente des trois photographes auront lieu à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales de Nice (Université de Nice-Sophia Antipolis, campus Saint-Jean d'Angely) le jeudi 10 novembre 2011 à 18h30


Costa Chica. Un regard métissé (Franck Courtel)

Je suis encore dans l’état de Sonora quand je décide de me rendre dans la région limitrophe de l’état de Guerrero et de Oaxaca, sur la côte pacifique. Cette région, que l’on appelle la Costa Chica, située à quelques encablures au sud de la célèbre Acapulco. La Costa Chica : un espace encore vierge de toute invasion touristique et autres constructions immobilières sauvages.

Je passe alors d’une chaleur sèche et étouffante à une autre plus humide, plus tropicale. Nous sommes en janvier et mes premiers pas me mènent à Cuajinicuilapa, Guerrero. Cette ville sera mon point de départ vers les petits villages tels que Santo Domingo, Tecoyame, Tapextla, el Callejon de Romulo,…

Je souhaite en effet partir à la découverte de cette population dont on m’a tant parlé depuis ces 14 ans que je viens au Mexique. La première fois, c’était en 1996 et on me parlait déjà de Pinotepa Nacional, une ville non loin de là et réputée pour ses habitants « noirs » selon les dires des mexicains.

Vivant dans une ville cosmopolite comme Paris et étant confronté au quotidien au phénomène du métissage, l’idée de partir au contact de ces gens germe très vite dans mon esprit. Cela sera pour moi un métissage mais avec une autre histoire, d’autres attitudes, d’autres peaux. Un autre regard pour d’autres regards.

Le contact est très facile et très agréable. Mes « modèles » collaborent avec plaisir même si parfois la timidité l’emporte au début. Il faut dire qu’un photographe français dans ces villages reculés n’est pas commun. Du coup, les questions fusent et l’échange est très riche sur le plan culturel. On me demande comment est la France, ce que l’on mange là-bas, si les filles et les garçons sont beaux, si je suis marié, et si je vais rester longtemps.

J’ai pu photographier facilement et j’en éprouvais parfois une certaine ivresse durant la prise de vue tellement les rouleaux de films s’accumulaient dans mon sac. J’aime cette idée d’aller loin, dans les endroits retirés où personne ne va pour rencontrer ces gens et leur offrir ce que chacun attend : de l’attention. Personnellement, la photographie est un moyen d’aller vers les autres. La photographie est pour moi un moyen de transcender ce que je trouve beau. J’ai trouvé ces gens beaux, dans les traits de leur visage, dans la couleur de leur peau, dans la douceur et l’intensité de leur regard, dans leur sourire.


Né en 1972, Franck Courtel est originaire des Côtes d’Armor (22). Après avoir étudié à Quimper et à Rennes, des études en langues étrangères l’ont amené à voyager tout d’abord en Australie, au Mexique, en Croatie, au Liban, en Syrie… Ces voyages agiront comme des « révélateurs » sur lui. C’est en revenant d’Australie en 1995 qu’il achète son premier reflex : la frustration de ne pas pouvoir retranscrire la beauté du lieu avec un simple appareil compact l’y a poussé. Ces voyages ont suscité ce besoin d’exprimé une vision de la beauté qui est propre à chacun : il avait la chance d’avoir trouvé son médium. De retour en France, il commence alors un travail plus précis sur les conditions de vie dans le monde rural, et plus précisément celles des gens désœuvrés ou en décalage avec le monde moderne. En général, ces travaux s’étendent sur plusieurs mois, voire plusieurs années : il privilégie en effet les sujets de fond aux sujets dits d’actualité. Ce fût le cas de « Jeanne et Jean », un reportage portant sur un couple de retraité vivant en caravane en Bretagne et publié dans le magazine « L’Oeil Electrique » (décembre 2001). En juin 2000, il reçoit une commande photographique du Centre des Monuments nationaux pour un travail sur le Mont Saint-Michel. Cette commande, réalisée en couleur, verra aussi l’aboutissement d’un travail N&B qui sera exposé de juin à septembre 2001 dans la salle du Cellier au sein de l’Abbaye du Mont St-Michel puis à Zagreb et Dubrovnic (Croatie). Sélectionné au Festival « Off » de Arles 2003, ces images ont été projetées en public au sein de la Cour de l’Archevêché en juillet 2003. Ce travail a été publié dans plusieurs magazines dont Leica Fotografie International en mai 2004 (première collaboration). Entre-temps, il poursuit son travail sur le Mexique et plus précisément sur la région de Oaxaca, au sud du pays. Cependant, après une interruption de 2 ans, Franck Courtel revient avec les prémices d’un sujet sur la communauté Seri, située dans l’état de Sonora non loin de la frontière américaine. Le premier contact a lieu en août 2007. Il ne restera que quelques jours, le temps de ramener 2 ou 3 portraits qui lui semblent intéressants. Et c’est en mars 2009, 2 ans plus tard, qu’il décide d’accorder plus de temps à ce sujet. Il y consacre donc un voyage de 1 mois et les résultats sont assez concluants. Malgré la réputation des Seris pour être des gens méfiants, Franck Courtel revient avec des portraits dans lesquels se lit une vraie complicité. A son retour en France, il décide donc de préparer un second séjour mais celui-ci beaucoup plus long puisqu’il restera 1 an. Et, pour la seconde fois, en janvier 2010, le magazine Leica Fotografie International lui ouvre ses pages pour la publication d'un reportage sur l'immense décharge de México : un travail réalisé sur 4 ans. Enfin, ce séjour prolongé de plusieurs mois a aussi été l’occasion pour lui de découvrir la communauté afro-métissée de la côte pacifique, au sud de Acapulco, région appelée Costa Chica.


=> Le vernissage de l'exposition et la présentation du catalogue en présente des trois photographes auront lieu à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales de Nice (Université de Nice-Sophia Antipolis, campus Saint-Jean d'Angely) le jeudi 10 novembre 2011 à 18h30

Veracruz Caraïbe (Manuel González de la Parra)


Veracruz est, historiquement, le premier port colonial en Amérique continentale. Protégé par ses murailles, il était l’un des centres d’arrivée les plus importants des esclaves noirs. Encore aujourd’hui, la musique noire imprègne vie quotidienne sociale et culturelle des habitants et continue à être, comme dans les Caraïbes, un élément de cohésion et d’identité.

Les rythmes qui circulent entre les pays du bassin des Caraïbes, tel un lien fraternel, ont fait danser les habitants des terres chaudes et moins chaudes depuis la formation des sociétés latino-américaines, mélanges de races et de cultures. Veracruz a facilement adopté ces manifestations. Le métissage à Veracruz ne se laisse pas seulement voir dans les tonalités de peau, il s’affiche dans le goût pour la musique et la façon de la danser, dans l’art de chanter et de vivre la fête jusqu’à ce que l’aube touche l’horizon, la mer.

Au-delà des identités géographiques, le port mexicain a une sensibilité si particulière qu’il se rapproche plus des Caraïbes que du Mexique même. Probablement du fait de son histoire et de son passé noir, de sa localisation au cœur du Golfe ou encore de ses habitants toujours prédisposées à la fête, Veracruz vit intensément jusqu’à aujourd’hui la proximité relative des Antilles et sa fraternité avec Cuba. Le Carnaval détient le temps et les activités une semaine par an, alors que les scènes urbaines résonnent de reguetón et les places attirent les danseurs, jusqu’au centre ville.

Traduire ces moments de climax par la photographie monochromatique est presque impossible, faute d’y associer le son et la couleur, deux éléments fondamentaux de ces ambiances. L’intention est moins prétentieuse : c’est un hommage à la culture populaire, à ses rythmes, à ses instruments et à ses rimes, à ses chanteurs et ses danseurs. Ces quelques photos voudraient rendre compte de la particularité festive du Port de Veracruz, et souligner ce qui nous fait « nous » : notre fête, notre musique.

Manuel González de la Parra est né à Cotija, Michoacán. Il habite à Xalapa, Veracruz, depuis 1971. Manuel González a étudié la photographie à la Faculté d’Arts Pastiques de l’Université Veracruz, il est chercheur en Arts Plastiques de la même université Il a publié en 1989 Xico, una sierra y su gente, édité par le gouvernement de l’Etat du Veracruz, l’Instituto Veracruzano de Cultura et l’ORSTOM ; en 2004 Luces de raíz negra édité par le Fondo Nacional para la Cultura y las Artes, l’Universidad Veracruzana, l’Instituto Veracruzano de Cultura et l’Institut de Recherche pour le développement, IRD.

En 1997 et 2005 il a reçu la bourse de « Créateurs avec trajectoire (confirmés) » du Fondo Estatal para la Cultura y las Artes de Veracruz. Il a bénéficié du Programme Fomento a Proyectos y Conversiones Culturales du FONCA en 2003 et du Programme Intercambio de Residencias Artísticas du FONCA en 2005.

Il est actuellement Directeur de l'Institut des Arts Plastiques de l'Université de Veracruz (Mexique)


=> Le vernissage de l'exposition et la présentation du catalogue en présente des trois photographes auront lieu à l'Institut des Sciences Humaines et Sociales de Nice (Université de Nice-Sophia Antipolis, campus Saint-Jean d'Angely) le jeudi 10 novembre 2011 à 18h30